
Alimentation et eau : comment faire des choix éclairés
Pourquoi l’eau est aussi un ingrédient invisible de votre assiette
On pense souvent à l’eau quand on parle d’hydratation, de baignade ou de sécheresse. Mais rarement quand on parle de notre alimentation. Pourtant, chaque aliment que nous consommons a nécessité une certaine quantité d’eau pour être produit. Ce qu’on appelle l’empreinte eau ou « eau virtuelle ». Comprendre cette réalité peut transformer notre façon de manger, surtout si on cherche à allier nutrition et responsabilité environnementale au quotidien.
Alors, combien consommez-vous d’eau… sans le savoir ?
Empreinte eau alimentaire : comprendre le vrai coût de nos choix
L’empreinte eau désigne la quantité totale d’eau utilisée pour produire un produit, de sa culture à sa transformation. C’est un outil puissant pour évaluer l’impact environnemental caché de notre alimentation.
Voici quelques chiffres parlants, basés sur les données du Water Footprint Network :
- 1 kg de bœuf = environ 15 400 L d’eau
- 1 kg de riz = 2 500 L
- 1 kg de pommes (cultivées en conditions standards) = 700 L
- 1 verre de lait (200 mL) = 200 L
- 1 tomate = environ 13 L
- 1 tasse de café = 130 L (lié principalement à la culture du caféier)
Évidemment, ces chiffres varient en fonction des méthodes de production, du climat et des infrastructures. Mais une tendance globale se dégage : les produits d’origine animale et ultra-transformés sont les plus coûteux en eau.
Manger moins de viande : le levier le plus simple et le plus efficace
Réduire sa consommation de viande est l’action la plus impactante pour alléger son empreinte hydrique alimentaire. Et ce n’est pas une posture militante, c’est un fait scientifique. Pourquoi ? Parce que l’élevage consomme une quantité massive d’eau pour :
- Produire les aliments destinés au bétail (fourrage, maïs, soja…)
- Abreuver les animaux
- Entretenir les infrastructures de production
Par exemple, une portion de 150 g de steak nécessite à elle seule 2 300 litres d’eau. À l’inverse, une assiette de lentilles (environ 100 g) demande moins de 300 litres. En remplaçant deux repas carnés par semaine par des plats végétariens intelligemment construits, on peut économiser plus de 200 000 litres d’eau par an.
Petit investissement, grand bénéfice. C’est ce genre d’équilibre que nous recherchons.
Produits laitiers : un impact souvent sous-estimé
On parle beaucoup de viande rouge, mais plus rarement du lait et de ses dérivés. Pourtant, leur empreinte est loin d’être négligeable. En France, la consommation moyenne de produits laitiers équivaut à environ 600 litres d’eau par jour… et par personne. Non, ce n’est pas une faute de frappe.
Sans tomber dans l’exclusion totale, quelques gestes simples peuvent faire la différence :
- Privilégier les alternatives végétales maison (lait d’avoine, de riz ou d’amandes issues de cultures locales)
- Réduire les desserts lactés industriels au profit de fruits frais de saison
- Choisir des fromages à pâte dure (moins gourmands en eau) issus de filières artisanales ou locales
Encore une fois, il ne s’agit pas de tout changer du jour au lendemain, mais d’optimiser là où l’impact est maximal.
Des céréales aux légumineuses : repenser nos protéines
Passer à une alimentation plus végétale ne signifie pas se contenter de crudités. Pour remplacer les protéines animales tout en restant nourrissant et gastronomique, les légumineuses (lentilles, pois chiches, haricots secs) sont nos meilleures alliées. Leur consommation d’eau est nettement inférieure à celle de la viande, tout en étant riche en nutriments.
Exemple comparatif :
- 100 g de bœuf = 2 300 L d’eau
- 100 g de lentilles = ≈ 300 L
Et contrairement à une idée reçue, les légumineuses ne nécessitent pas tant d’eau pour la cuisson si on les fait tremper en amont. En plus, elles se conservent plusieurs mois sans emballage plastique et sans réfrigération. Que demander de plus ?
Fruits et légumes : attention à la saisonnalité et à l’origine
On pourrait croire que tous les fruits et légumes sont égaux sur le plan de l’empreinte hydrique. Pourtant, une tomate produite sous serre chauffée en hiver en Espagne n’a rien à voir en impact avec une tomate de plein champ cultivée en été dans le sud de la France.
Pour limiter votre impact, quelques principes efficaces :
- Consommer des produits de saison
- Privilégier les circuits courts et connaître l’origine exacte de vos achats
- Réduire les pertes en cuisine (pelures, restes, fanes) pour maximiser chaque litre d’eau investi
En gros, manger local, saisonnier et sans gaspillage, ce n’est pas juste une mode, c’est une stratégie hydrique rationnelle.
Limiter les produits transformés : une évidence négligée
Chaque étape de transformation industrielle ajoute son lot de consommation d’eau : nettoyage, cuisson, refroidissement, emballage… Plus un produit a d’ingrédients, plus son empreinte augmente.
Un exemple concret :
- 1 pomme : 70 L d’eau
- 1 compote en gourde : près de 250 L
Pourquoi ? Parce que l’eau a été utilisée pour transformer, conditionner, transporter et conserver le produit. L’ironie, c’est que nous jetons souvent ces mêmes produits avant de les avoir ouverts. D’où l’importance de revenir à des produits bruts dès que possible — en plus, c’est souvent meilleur marché et bien plus satisfaisant à cuisiner soi-même.
Et l’eau que l’on boit ? Soyons malins
La consommation directe d’eau (ce que l’on boit chaque jour) représente en moyenne 2 à 3 litres par personne, soit à peine 1% de notre empreinte hydrique totale. Le vrai levier se trouve donc dans notre assiette, pas dans notre robinet.
Ceci dit, optimiser notre façon de consommer de l’eau potable reste pertinent :
- Filtrer l’eau du robinet plutôt que d’acheter de l’eau en bouteille (gain économique et écologique immédiat)
- Infuser des plantes ou fruits pour créer des boissons sans sucre ajouté au moindre coût environnemental
- Utiliser l’eau de cuisson pour potages, bouillons ou arrosage (si non salée)
Simple, mais efficace, surtout dans une logique zéro déchet.
Des gestes concrets dans votre cuisine
Pour finir, voici quelques leviers actionnables dès aujourd’hui pour aligner vos pratiques culinaires avec une consommation plus économe en eau :
- Préférer la cuisson à la vapeur aux longues immersions
- Réutiliser l’eau de lavage des légumes pour arroser les plantes
- Cuire les légumineuses en grande quantité puis les congeler — une seule cuisson, plusieurs repas économes
- Planifier vos repas pour limiter les gaspillages : chaque aliment jeté, c’est aussi de l’eau perdue
Tenir un journal de bord alimentaire pendant une semaine peut vous aider à repérer les sources de gaspillage et à évaluer, grosso modo, l’eau que votre alimentation mobilise. Vous serez surpris de constater que quelques ajustements ciblés suffisent à faire une vraie différence, sans sacrifier le plaisir de bien manger.
Repenser son assiette, c’est aussi repenser sa consommation d’eau
L’eau que nous voyons couler n’est que la partie émergée de l’iceberg. Chaque fois que nous achetons, cuisinons ou mangeons, nous faisons des choix qui influencent notre empreinte hydrique. Le but ici n’est pas de tout éliminer, mais de consommer en cohérence avec nos ressources disponibles.
Pas besoin d’un master en hydrologie : il suffit de revenir à des produits simples, locaux, végétaux et peu transformés. Une démarche logique, méthodique – et accessible à tous.
Alors, la prochaine fois que vous ferez vos courses ou préparerez un repas, posez-vous cette question simple : combien d’eau a nécessité ce plat ? La réponse pourra bien vous surprendre… et vous guider vers de meilleures décisions.